reprise d'un bail télécom (antennes relais) : l'imbroglio juridique Valocîme
Valocîme face aux opérateurs et gestionnaires telecoms
Un parcours juridique semé d'embûches
Les dernières affaires Valocîme contre les opérateurs de téléphonie mobile Bouygues Telecom, Orange et SFR mettent en lumière les obstacles juridiques auxquels sont confrontés les nouveaux acteurs qui souhaitent investir le marché des infrastructures de télécommunication. Deux décisions récentes, l'une de l'Arcep (communique de presse du 7 janvier 2025) et l'autre du Tribunal Judiciaire de Paris (Tribunal judiciaire de Paris, Service des Référés, 12 décembre 2024, n° 24_54917), illustrent la complexité du cadre légal et les défis que ces nouveaux acteurs doivent relever pour trouver une place sur le marché des antennes relais.
Un refus d'obliger et une expulsion : deux décisions qui interrogent !
Valocîme, spécialisée dans la location d'emplacements pour infrastructures de télécommunication, a repris à bail plusieurs sites occupés par des opérateurs d'infrastructure ("Towercos") .
Souhaitant négocier des conventions d'hébergement avec les opérateurs mobiles présents sur ces sites, Valocîme s'est heurtée à un refus. Saisi par cette dernière, l'Arcep a rejeté sa demande, estimant ne pas avoir le pouvoir de forcer les opérateurs à conclure un bail pour le maintien des antennes relais en place.
Parallèlement, Valocîme a engagé des actions en justice contre les Towercos pour les faire expulser de certains emplacements. Le Tribunal Judiciaire de Paris lui a donné raison dans un cas précis, ordonnant à Cellnex France de quitter un site et de le remettre en état entrainant par voie de conséquence le démontage des antennes (antenne 3G, 4G, 5G). Le tribunal a donc reconnu le droit de Valocîme, en tant que nouveau locataire, à disposer des lieux.
Des décisions qui révèlent la complexité du cadre juridique
Ces deux décisions, loin de s'opposer, illustrent la complexité du cadre juridique qui régit l'installation et la gestion des antennes relais.
- L'Arcep se place du point de vue du droit de la concurrence et de la régulation du marché des télécoms. Elle veille à ce que les opérateurs historiques n'abusent pas de leur position dominante et que les nouveaux entrants puissent accéder aux infrastructures essentielles. Toutefois, elle n'a pas le pouvoir d'imposer aux opérateurs le choix de leurs "partenaires commerciaux". L'Arcep est compétente pour les différends liés à l'accès et à l'interconnexion selon l'article L. 36-8 du CPCE mais elle n'est pas compétente pour les demandes d'un gestionnaire d'infrastructure d'imposer l'utilisation de son infrastructure pour une station relais (antenne 4G, 5G) par un opérateur.
- Le Tribunal Judiciaire se place du point de vue du droit des contrats et de la propriété. Il a sanctionné le maintien illégal des antennes de Cellnex France sur un emplacement après la fin du bail, confirmant ainsi les droits de Valocîme en tant que nouveau locataire. Le droit de propriété est fondamental, et l'occupation sans droit (maitien de la station relais) constitue par conséquent un trouble manifestement illicite qu'il convient de condamner.
Un parcours semé d'embûches pour tous les acteurs et pour la population
- Ces affaires mettent en évidence les difficultés rencontrées par les nouveaux acteurs qui cherchent à s'imposer sur le marché des infrastructures de télécommunication mais aussi les difficultés auxquelles les opérateurs devront faire face en cas de non maintien dans les lieux avec la nécessite de trouver un site de substitution dans des délais que l'on sait généralement longs.
- Les risques de conclure un bail avec de nouveaux acteurs : les bailleurs devront être attentifs à la négociation de nouveaux baux d'occupation pour sécuriser leurs revenus annuels et éviter ainsi une perte sèche de revenus liée à une résiliation anticipée du bail en cas de non présence d'opérateurs et par voie de conséquence d' antenne 4G, 5G.
- Complexité du cadre juridique : La réglementation du secteur est complexe et en constante évolution, ce qui peut créer des incertitudes pour les différents acteurs (investisseurs, opérateurs, gestionnaires, bailleurs ...)
- Enjeux de couverture : l'Arcep rappelle que les opérateurs mobiles doivent respecter leurs obligations en matière d'aménagement numérique du territoire (notamment déploiement antenne 4G) et qu'ils doivent assurer la continuité et la disponibilité des services, même en cas de changement d'emplacement d'un site radioélectrique. Le non maintien dans les lieux est par conséquent un échec pour tous les acteurs mais aussi pour la population qui risque, notamment dans des zones peu couvertes, de subir de plein fouet des décisions et velléités qui leur sont étrangères.