antennes relais et convocation du conseil municipal pour PLU trop restrictif
🏛️ La justice donne raison à Bouygues Télécom face à la commune d'Assas
Le tribunal administratif a tranché en faveur de la société Bouygues Télécom dans le litige qui l'opposait à la commune d'Assas (Hérault). L'opérateur contestait le refus implicite du maire de convoquer le conseil municipal pour modifier le Plan Local d'Urbanisme (PLU), qui interdit de fait l'installation d'antennes relais sur la quasi-totalité du territoire communal.
Le tribunal a jugé ces restrictions illégales et a enjoint au maire d'agir dans un délai de trois mois.
Le cœur du litige : un PLU jugé trop restrictif
L'affaire a débuté lorsque Bouygues Télécom, confronté à d'importantes difficultés de couverture réseau sur la commune, a demandé au maire, le 1er mars 2023, d'engager une modification du PLU. Le document d'urbanisme en vigueur, approuvé en 2017, interdit l'implantation d'antennes relais dans toutes les zones urbaines (UA, UD, UE, 2AU) et les limite drastiquement dans les zones agricoles (A) et naturelles (N).
Selon l'opérateur, cette réglementation ne permet l'installation d'antennes que sur 0,04 % du territoire communal, dans un unique secteur en limite de commune et éloigné des zones habitées.
Face au silence du maire, valant décision implicite de rejet, Bouygues Télécom a saisi le tribunal administratif le 29 juin 2023 pour faire annuler ce refus et contraindre la mairie à agir.
L'opérateur a bien "intérêt à agir"
La commune d'Assas demandait au tribunal de déclarer la requête irrecevable. Elle estimait que Bouygues Télécom n'avait pas d'intérêt à agir, n'étant pas propriétaire sur la commune et affirmant, sans le prouver selon le tribunal, que le territoire était déjà couvert.
Le tribunal a rejeté cet argument. Il a reconnu que Bouygues Télécom, en tant qu'opérateur soumis à des obligations de couverture et participant à une mission d'intérêt général (comme l'acheminement des alertes ou le futur Réseau Radio du Futur pour la sécurité), justifiait bien d'un "intérêt direct et certain" à contester un règlement l'empêchant de remplir ses missions.
Une interdiction jugée illégale sur le fond
Le tribunal a annulé la décision du maire en jugeant illégales les dispositions contestées du PLU, et ce pour trois motifs principaux :
- Absence de justification d'urbanisme : Le tribunal a souligné que si une commune peut réglementer l'implantation d'antennes, elle ne peut le faire que pour des motifs d'urbanisme. Or, l'interdiction "générale et absolue" sur la quasi-totalité du territoire n'était justifiée par aucune considération urbanistique dans le rapport de présentation du PLU. L'argument de la "préservation des paysages" n'a pas été jugé suffisant pour motiver une restriction aussi drastique. 
- Contradiction avec les objectifs du PADD : Le tribunal a relevé une incohérence majeure au sein même du PLU. Le Projet d'Aménagement et de Développement Durables (PADD) de la commune affiche des objectifs clairs pour "développer les communications numériques" au profit des habitants et de l'économie. En interdisant les antennes, le règlement du PLU "contrarie" directement ses propres orientations stratégiques. 
- Atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie : En empêchant le déploiement du réseau mobile dans une zone où les besoins sont concentrés (zones habitées), le PLU porte une atteinte illégale à la liberté de commerce et de l'industrie de l'opérateur. 
Puisque les dispositions du PLU étaient entachées d'illégalité, le maire était tenu de soumettre la demande d'abrogation au conseil municipal, conformément au code des relations entre le public et l'administration.
La décision du tribunal
En conséquence, le tribunal administratif a :
- Annulé la décision implicite du maire d'Assas refusant de saisir son conseil municipal. 
- Enjoint au maire d'inscrire la question de la modification du PLU à l'ordre du jour du prochain conseil municipal, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. 
- Condamné la commune d'Assas à verser 1 500 euros à Bouygues Télécom au titre des frais de justice. 
Le tribunal a cependant rejeté les demandes de Bouygues Télécom d'assortir l'injonction d'une astreinte financière et d'obtenir 5 000 euros pour ses frais.
Quel formalisme pour contester le PLU
Le process à suivre pour obtenir la modification d'un PLU manifestement illégal
La procédure se déroule en plusieurs étapes.
1. Demande formelle de modification du PLU adressée au maire
L’opérateur commence par adresser au maire une demande tendant à la convocation du conseil municipal en vue de prescrire la modification du PLU. Cette demande vise à faire abroger ou modifier les dispositions du PLU qui interdisent ou limitent excessivement l’implantation d’antennes relais sur le territoire communal.
2. Saisine du juge administratif en cas de refus ou d’inertie
En cas de rejet explicite ou implicite de la demande, l'opérateur de téléphonie mobile saisit le tribunal administratif pour contester la légalité de la décision du maire et obtenir une injonction à la commune de procéder à la modification du PLU.
Dans l'affaire précitée le Tribunal administratif de Montpellier, 1ère chambre, 23 octobre 2025, précise que la société Bouygues Télécom a justifié d’un intérêt direct et certain à contester le plan local d’urbanisme en raison de l’entrave portée à son activité et à la continuité du service public des télécommunications.
Le tribunal a jugé que la décision du maire était illégale, car elle ne justifiait pas l’interdiction d’installer des antennes relais par des considérations urbanistiques, et a ordonné au maire d’inscrire à l’ordre du jour la question de la modification du PLU.
3. Injonction à la commune de modifier le PLU
Lorsque le juge administratif constate l’illégalité des dispositions du PLU ou de la décision du maire, il peut prononcer une injonction à la commune de procéder à la modification du PLU dans un délai déterminé.
4. Fondement juridique de la demande de modification
La demande de Bouygues Telecom s’appuie sur le principe selon lequel l’administration est tenue de faire droit à toute demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, conformément à l’article L. 243-2 du code des relations entre le public et l’administration, et sur les articles L. 151-9 et R. 151-2 du code de l’urbanisme, qui imposent que les restrictions apportées par le PLU soient justifiées par des motifs d’urbanisme.
5. Contrôle du juge sur la légalité des motifs d’opposition
Le juge annule les décisions fondées sur des motifs étrangers à l’urbanisme ou non justifiés par des considérations urbanistiques.
6. Intérêt à agir et continuité du service public
La jurisprudence reconnaît à l'opérateur un intérêt direct et certain à contester les dispositions du PLU qui entravent son activité, en raison de l’obligation de couverture du territoire national et de la continuité du service public des télécommunications.
