Retrait DP antennes relais : une erreur de procédure validée par la Cour d'Appel de Paris
Retrait d'autorisation d'urbanisme : procédure et analyse de l'affaire Maisons-Alfort
Lorsqu'une commune envisage de retirer une autorisation d'urbanisme (permis de construire ou non-opposition à déclaration préalable), elle doit respecter une procédure stricte, faute de quoi sa décision peut être entachée d'illégalité. Cette procédure vise principalement à garantir le respect du principe du contradictoire.
Toutefois, comme l'illustre une décision de la Cour Administrative d'Appel de Paris concernant la commune de Maisons-Alfort, un vice de procédure n'entraîne pas automatiquement l'annulation de la décision de retrait s'il est établi qu'il n'a pas privé le bénéficiaire de l'autorisation d'une garantie.
1. La procédure de retrait : une garantie pour le bénéficiaire
Avant de pouvoir retirer une autorisation d'urbanisme, une mairie doit respecter deux conditions cumulatives :
- Le délai : L'autorisation doit être illégale et le retrait doit intervenir dans un délai de trois mois suivant la date de la décision (Article L424-5 du Code de l'urbanisme). 
- Le contradictoire : Le retrait étant une décision administrative individuelle défavorable, la commune doit impérativement mettre en œuvre une procédure contradictoire préalable (Articles L. 121-1 et L. 122-1 du Code des relations entre le public et l'administration - CRPA). 
Cette procédure contradictoire impose à la mairie d'informer le titulaire de l'autorisation de son intention de procéder au retrait et des motifs qui la fondent. Elle doit lui laisser un délai suffisant pour qu'il puisse présenter ses observations écrites et, le cas échéant, orales.
La jurisprudence précise que ce délai doit être effectif : il commence à courir à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a effectivement retiré le courrier recommandé l'informant de la procédure, et non à la date de sa simple présentation. En principe, si la mairie prend sa décision de retrait avant l'expiration du délai qu'elle a elle-même imparti, elle viole cette garantie procédurale, ce qui entache sa décision d'illégalité.
2. L'affaire de Maisons-Alfort : une irrégularité non sanctionnée
Dans l'affaire jugée par la CAA de Paris le 23 octobre 2025 (n° 24PA05040), la commune de Maisons-Alfort avait engagé une procédure de retrait d'une autorisation de déclaration préalable de travaux (DP) à l'encontre des sociétés Bouygues Telecom et Cellnex.
Les faits et l'irrégularité
- Par un courrier reçu le 15 avril 2022, la mairie a informé les sociétés de son projet de retrait et leur a imparti un délai de quinze jours pour présenter leurs observations. 
- Ce délai, qualifié de "délai de procédure administrative, non contentieuse", expirait le samedi 30 avril 2022 inclus. 
- Cependant, le maire a pris son arrêté de retrait dès le vendredi 29 avril 2022, soit avant l'expiration du délai laissé aux sociétés. 
La Cour a explicitement reconnu que, ce faisant, le maire de Maisons-Alfort "a entaché la procédure d’une irrégularité".
L'absence de sanction : le vice n'a pas privé d'une garantie
Malgré ce constat d'irrégularité, la Cour n'a pas annulé la décision de la mairie. Elle a appliqué un principe constant selon lequel un vice de procédure n'entraîne l'illégalité d'une décision que s'il a été "susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie".
Or, la Cour a constaté que :
- Les sociétés n'ont ni établi ni même allégué avoir été empêchées de produire des observations le samedi 30 avril 2022 (dernier jour du délai). 
- Elles n'ont réagi que le lundi 2 mai 2022 (soit après l'expiration du délai) par un courrier indiquant qu'elles "ne manqueraient pas de transmettre leurs observations" ultérieurement. 
Dans ces conditions, la Cour a jugé que le vice (la prise de décision un jour trop tôt) n'avait, dans les faits, exercé aucune influence sur le sens de la décision et n'avait pas concrètement privé les sociétés de la garantie du contradictoire, puisqu'elles n'avaient pas cherché à l'exercer dans le temps imparti.
En effet, même si la mairie avait attendu jusqu'au samedi 30, cela n'aurait rien changé : Bouygues Telecom n'aurait de toute façon pas répondu à temps. L'erreur de la mairie (agir le vendredi) n'a donc eu aucune conséquence concrète sur l'issue de la procédure, puisque les sociétés n'ont pas utilisé le temps qui leur restait.
Pour conclure, bien que la commune ait commis une erreur de procédure, celle-ci n'a pas été jugée suffisante pour annuler le retrait, car elle n'a pas eu d'incidence réelle sur les droits de la défense des sociétés concernées.
3. Recommandations pratiques à l’attention de l’opérateur et/ou gestionnaire d'infrastructures
Au regard de cet arrêt, il est recommandé au service déploiement de l'opérateur ou gestionnaire d'infrastructures bénéficiaire d’une autorisation d’urbanisme pour l'implantation d'antennes relais, qui se voit notifier une intention de retrait, d’être particulièrement attentif à la computation du délai laissé pour présenter ses observations. Ce délai commence à courir le lendemain de la réception de la notification et inclut tous les jours calendaires, sans prorogation possible si le dernier jour tombe un samedi, un dimanche ou un jour férié.
L’opérateur doit donc s’organiser pour être en mesure de présenter ses observations, écrites ou orales, avant l’expiration du délai, même si celui-ci expire un jour non ouvrable. Il est conseillé de ne pas attendre le dernier jour pour transmettre ses observations, afin d’éviter tout risque de forclusion.
En cas de doute sur la computation du délai, il est prudent de considérer que le délai expire le dernier jour indiqué, même si ce jour est un samedi, un dimanche ou un jour férié, et de transmettre les observations en conséquence.
Si l’opérateur estime que le délai qui lui a été imparti est insuffisant pour préparer utilement sa défense, il peut solliciter une prolongation auprès de l’administration, mais celle-ci n’est pas tenue d’y faire droit. En tout état de cause, il est essentiel de conserver la preuve de la date de réception de la notification et de la date d’envoi des observations.
Enfin, si une irrégularité dans la computation du délai est constatée, l’opérateur ne pourra obtenir l’annulation de la décision de retrait que s’il démontre que cette irrégularité l’a privé d’une garantie ou a eu une influence sur le sens de la décision.
